Nationale
«La finance solidaire pourrait représenter 1 % de l'épargne financière des ménages dans quinze ans, soit sept fois plus qu'aujourd'hui, souligne Frédéric Tiberghien, président de Finansol, l'observatoire de la finance solidaire. Pour atteindre cet objectif, il faudrait obliger les établissements financiers à proposer une version solidaire de tous leurs produits : assurance-vie, livrets bancaires, livret de développement durable. »
Ce rêve se heurte pour l'instant à l'opposition des assureurs, qui ont fait le siège de Bercy en 2013 pour qu'une telle mesure ne soit pas adoptée dans le cadre de la réforme de l'économie sociale et solidaire (ESS). Un premier pas a cependant été fait avec le lancement en septembre des contrats d'assurance « vie-génération », destinés aux gros patrimoines. En échange d'un coup de pouce sur les droits de succession, ils doivent investir à hauteur de 30 % au moins en actions de PME, dans le logement intermédiaire ou les placements solidaires.

Quant aux contrats d'assurance-vie « classiques », seuls trois acteurs proposent une version solidaire, pour un encours total de 96 millions d'euros en 2013 (+ 54,8 % en un an). La Carac, la mutuelle des anciens combattants, a lancé en 2004 Entraid'Epargne, un contrat en euros qui redistribue 1 % des versements de l'épargnant à une association à choisir parmi cinq structures. En 2013, ce contrat a rapporté 3,7  %, contre 3,5  % pour le reste de la gamme. « Nous formons nos conseillers afin de pousser la vente de ces produits. Nous les mettons en contact avec les associations pour qu'ils puissent expliquer aux clients comment leur argent est utilisé », précise Joël Mazeau, responsable des partenariats à la Carac.

Une perte de rendement moindre
Depuis 2013, le Crédit agricole propose un contrat solidaire plus ambitieux : il consacre 5  % de son fonds en euros et de la partie multisupport au financement d'entreprises solidaires. Le 3 novembre, la MAIF a lancé une nouvelle version de son contrat d'assurance-vie vedette « responsable et solidaire » : 1 % des sommes collectées sur le fonds en euros ou sur la partie en unités de compte est consacré au financement d'organismes solidaires.

Ces dernières années, d'autres établissements (LCL, La Banque postale, Crédit mutuel, CIC, Meeschaert...) se sont aussi positionnés sur le marché de la solidarité, en proposant des livrets ou des fonds de partage (la liste des produits existants peut être consultée sur le site de Finansol).

Leur principe est simple : le souscripteur fait don d'une partie des revenus de son placement à une association ou un organisme solidaire de son choix. Il bénéficie d'une réduction d'impôt égale à 66 % du montant de son don (75 % lorsqu'il s'agit d'un organisme d'aide aux personnes en difficulté), dans la limite de 20 % de son revenu imposable. Une variante consiste, pour l'établissement financier, à rétrocéder une partie des frais de gestion à l'une de ces causes, histoire de renforcer le geste de l'épargnant.

Hors assurance-vie, les produits de partage ont atteint un encours de 678 millions d'euros en 2013 (+ 10,8  %). A lui seul, le Crédit coopératif génère de 70  % à 80  % des flux de l'épargne de partage. «
Nous avons été les premiers à lancer ces produits sur le marché français, il y a quatorze ans », précise Jérôme Henry, directeur du marché des particuliers au Crédit coopératif. La banque mutualiste propose notamment le livret Agir, rémunéré à 1,85  % brut jusqu'à 15  300  euros (0,90  % au-delà). La moitié des intérêts est reversée à une
association à choisir parmi une vingtaine d'organismes.

La MAIF a aussi décidé de rendre solidaire son Livret A et son Livret de développement durable (LDD). Les épargnants qui souscriront à ces livrets réglementés reverseront un quart des intérêts à un fonds dédié qui financera des organismes sélectionnés. Là encore, la perte derendement pour les épargnants est limitée puisque le don ouvre droit à une réduction d'impôt.

A côté de ces produits, il est aussi possible de devenir membre de la coopérative d'Oikocredit, un acteur majeur du microcrédit, qui finance des projets à valeur ajoutée sociale dans les pays du Sud. Elle verse à ses membres un dividende annuel de 2 %. Dans le même esprit, la plate-forme de financement participatif Spear, qui finance des
entreprises ou associations à fort impact social, rémunère les parts sociales émises à un niveau au moins égal à l'inflation.

Source : Jérôme Porier - Journaliste au Monde